Mbayta Sarr, 32 ans, d’origine sénégalaise, décide de devenir entrepreneure à la suite d’un plan social. Sa marque de vêtements Lingeer’s est spécialisée dans le wax africain. Baignée dans l’univers du textile depuis toujours grâce à son père, Mbayta Sarr n’a rien lâché.
Les cheveux tressés, maquillée d’un trait d’eye-liner et d’un rouge à lèvre, Mbayta Sarr, a le regard fixe, et ses réponses, portée par un léger accent africain, sont directes. Née au Sénégal et élevée par ses grands-parents, Mbayta Sarr a rejoint ses parents à Marseille à l’âge de huit ans. Cette jeune femme de « 30 ans plus deux » (elle n’aime pas donner son âge) n’a pas supporté ce changement de vie. « Au niveau scolaire, je n’avais pas du tout le niveau, j’ai redoublé, et j’ai reçu de nombreuses moqueries à cause de mon accent », livre Mbayta Sarr. De caractère plutôt fière, elle ne dit rien à ses parents et suit des cours supplémentaires pour rattraper son retard. Elle obtient un diplôme en marketing et commence à travailler, toujours à Marseille, en tant qu’assistante commerciale. Ayant déjà découvert l’Angleterre lors d’un stage d’études, elle décide de prendre une année sabbatique et de partir vivre à Manchester. « C’est une expérience que je conseille à tout le monde, culturellement c’est tellement ouvert. A un moment, j’ai pensé à habiter là-bas, j’ai remarqué que les opportunités de travail à des postes élevés étaient plus nombreuses pour les gens issus de la diversité », se souvient l’entrepreneure. Mais elle décide de rentrer en France, plus précisément à Lyon où elle entreprend un master à l’INSEEC. « Je devais retourner à Marseille, à la fin de mon master, mais finalement j’ai trouvé du travail sur Lyon », explique Mbayta Sarr. Malheureusement, la jeune femme subit un plan social et est licenciée.
Le rêve de l’entreprenariat
Mbayta Sarr perçoit ce licenciement comme un signe, elle doit créer sa propre entreprise. Qu’est ce qui l’a poussé à devenir entrepreneure ? « Mon père », s’esclaffe l’entrepreneure. Son père est entrepreneur, il possède sa propre boutique, spécialisée dans le wax africain. « J’ai toujours baignée dans ce milieu-là donc c’est vraiment de lui que me vient cette impulsion d’entreprendre dans le wax, ajoute Mbayta Sarr, j’aurai pu travailler avec un autre textile mais je me suis dit : je suis sénégalaise, je suis africaine, c’est mon héritage ». Avril 2021, Lingeer’s est lancé. « J’ai anglicisé ce nom. Lingeer signifie reine en wolof (ndlr langue parlée au Sénégal), j’ai rajouté le S, pour mon nom de famille, Sarr, et par rapport à la boutique de mon part, Saloum Couture », indique Mbayta Sarr. A travers Lingeer’s, la marseillaise voulait proposer du prêt à porter pour tout le monde, avec des coupes tendances, actuelles et occidentales. « Je suis fière d’être sénégalaise, en appelant mon entreprise avec un mot en wolof, je dis à tout le monde qui entre dans ma boutique : quand vous entrez ici, vous entrez dans une boutique de quelqu’un qui est française, d’origine sénégalaise et qui assume. En rentrant ici, vous renvoyez l’image de quelqu’un qui est ouvert d’esprit et tolérant », comment Mbayta Sarr.
Les accessoires, tels que les sacs et les bijoux, sont envoyés du Sénégal par ses sœurs. Les tissus proviennent de la marque hollandaise Vlisco, qui sont les pionniers du wax. « Je voulais avoir du wax haut de gamme, pour me différencier des autres. Je les achète là-bas. Et tout est cousu ici à la main, par mon père, une petite partie par moi et deux autres couturiers qui sont des amis de mon père. Ça reste en famille », confirme Mbayta Sarr. Lingeer’s propose des collections limitées et du service sur mesure. Ce dernier permet aux clients de participer à leur création, d’être en accord avec leurs envies, et d’être fière de porter ce vêtement. Une nouvelle collection est en préparation pour début avril. « L’idée est de reprendre les best-sellers, ce qui a marché dans la précédente collection », commente la créatrice.
Être une femme, noire, entrepreneure
Grâce à son précédent travail, Mbayta Sarr a pu s’entourer de personnes de confiance. Mais le chemin de l’entreprenariat est jaugé de nombreuses difficultés. « C’est beaucoup de démarches, c’est dur psychologiquement, on se fait beaucoup de fausses joies », se rappelle Mbayta Sarr. Elle se demande si ces refus sont dus à son projet ou à sa couleur de peau. « Je ne veux pas me victimiser mais il y a toujours une petite question dans la tête, donc on se décourage on se dit que ça ne sert à rien, qu’ils voient que je suis d’origine africaine donc non », livre l’entrepreneure. Grâce à son entourage et notamment à son père, Mbayta Sarr ne lâche pas son rêve et continue son projet d’entrepreneuriat. « Mon père m’a toujours poussé à continuer, s’esclaffe la marseillaise, eh oui je suis une fille à papa ». Mbayta Sarr perçoit cette expérience comme une aventure avec des hauts et des bas et « quand je suis au plus bas je me voie au plus haut et quand je suis au plut haut je n’oublie pas qu’il y a des moments où j’étais au plus bas ». Son but est d’y aller petit à petit. « Quand j’ai eu des moments difficiles je me voyais là en boutique, assise derrière ma caisse avec mes vêtements. Maintenant, je rêve de n’être jamais assise dans cette boutique, qu’il y ait plein de clients qui rentre, qui discute, qui découvre. C’est ma vision actuelle, et quand j’aurai réussi, j’en aurai une autre », sourit fièrement Mbayta Sarr.
L’entrepreneure conseille à toutes les femmes de se lancer, de ne jamais lâcher. « Il ne faut pas se laisser abattre par les petits obstacles et y aller à fond, croire en soi, travailler dur, et bien s’entourer d’un minimum de personne », clôture Mbayta Sarr.
Carmen Buecher
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