On assiste à une véritable montée de l'entreprenariat en France aujourd'hui. Mais quelle est la réalité derrière cette croissance aux apparences réjouissantes ? Les femmes occupent de plus en plus de place dans le paysage entrepreneuriale aujourd'hui. Véritable choix ou nécessité, quels sont les freins et les atouts réels des femmes dans le fait de créer son entreprise aujourd'hui ?
Le phénomène de l’entreprenariat n’est pas nouveau en France. Ce qui l’est, c’est l’entreprenariat à l’initiative des femmes : elles représentaient 29 % en 1987, 33 % en 2000 et 36% en 2020 des entrepreneurs en France. Si ces chiffres sont encourageants, une nette disparité entre les hommes et les femmes existe malgré tout. Par exemple, le pourcentage d'entreprises propulsées par des femmes dans le secteur des entreprises innovantes ou de la Tech ne représentent que 10%. Pourtant, l’entreprenariat semble représenter une « troisième voie », une alternative aux inégalités qui semblent ne pas pouvoir se résoudre dans le secteur du privé.
Les discriminations dans le monde du travail
On le sait, le monde du travail n’a pas été façonné pour les femmes. Encore trop souvent cantonnées aux tâches domestiques, elles assurent toujours la majorité des tâches ménagères, et l’éducation de leurs enfants par rapport à leur conjoint. Pourtant, le monde du salariat ne s’est pas systématiquement adapté à l’éducation qu’elles ont reçu ou aux contraintes auxquelles elles doivent encore faire face. Ainsi, les horaires rarement flexibles, les réunions après 18h, le langage guerrier utilisé dans le monde du travail ou encore la culture sexiste persistante (30% des femmes déclarent avoir déjà été agressée ou harcelée sexuellement sur son lieu de travail) sont d'autant de facteurs qui écartent fatalement les femmes et creuse le fossé avec les hommes. À cela, il faut ajouter les discriminations persistantes : être une femme en constitue déjà une, mais rares sont celles qui n'en subissent qu'une seule. Nombreuses sont celles qui ne peuvent pas évoluer et réussir leur carrière en raison de leur couleur de peau, de leur santé ou de leur orientation sexuelle en raison d'une culture d'entreprise discriminante ou d'un supérieur hiérarchique qui ne reconnaît pas leur compétence à leur juste valeur. Enfin, bien que plus diplômée que les hommes, l’égalité des salaires n’est toujours pas acquise : on estime cet écart a environ 9%, en faveur des hommes mais aussi que les femmes sont plus nombreuses dans des emplois précaires que les hommes. Ces chiffres grimpent en flèche si ces femmes subissent une autre discrimination.
Les femmes, plus performantes dans l’entreprenariat
Il n’apparaît alors pas étonnant que l’entreprenariat séduisent les femmes. Entre l’indépendance intrinsèque à la création de leur entreprise, l’augmentation de leur revenue et la possibilité de créer un environnement qui leur ressemble et sécurisant, l’entreprenariat offre un espace avec un potentiel créatif infini. Bien que l’entrepreneuriat reste encore majoritairement masculin, les femmes entrepreneures présentent de meilleures performances. Selon l’Insee, le chiffre d’affaires des sociétés dirigées par des femmes a augmenté de 5,5 % en moyenne, contre 4,8 % pour les entreprises masculines. Cet écart de performance s’expliquerait par la forte résilience et l'hyperproductivité dont les femmes entrepreneures doivent fournir depuis des années pour pouvoir accéder aux mêmes résultats que les hommes. Statistiquement, la majorité des petites entreprises dirigées par des femmes font moins faillite que celles gérées par des hommes. Seulement 3,1 % des TPE dirigées par des femmes ont été en défaillance contre 5 % pour celles pilotées par les hommes.
On remarque néanmoins que trois grands secteurs sont monopolisés par les femmes : le conseil (29%), le service aux particuliers (25%) et le commerce (20%). Les secteurs considérés comme masculins comme la tech restent dans les mains des hommes, bien que plus rentable sur le papier. Cela s’explique par le fait que les femmes entrent dans l’entreprenariat plus par nécessité que par soucis économique (conciliation de sa vie professionnelle et familiale, flexibilité, environnent de travail plus horizontal). Alors, pourquoi les femmes ne se ruent-elles pas plus vers l’entreprenariat, au vu de ces chiffres encourageants et des atouts que cela présente ? En réalité, si la création de sa propre entreprise fait miroiter de belles promesses, les femmes subissent les mêmes obstacles que dans le salariat : si les femmes sont plus résilientes, elles ont moins confiance en elle. Elles font face aux mêmes stéréotypes de genre, elles n’ont pas la même égalité d’accès aux capitaux et les contraintes familiales lors de la création restent les mêmes.
Que faire pour pallier ces inégalités ?
La réponse semble sans appel : continuer d’éduquer les enfants à une éducation moins genrée et encourager les filles à aller dans les secteurs considérés comme masculin jusqu’à présent. Pour rappel, elles représentent 28% des élèves en école d’ingénieur, peinent à dépasser les 20% dans les études techniques et du numérique alors qu’elles sont 82 % des élèves en écoles paramédicales et jusqu’à 77 % des inscrits en masters de lettres, langues et sciences humaines. Or, ces secteurs sont moins bien payés, avec de faibles opportunités d’évolution au contraire des secteurs scientifiques. Continuer d’orienter les filles et leur enseigner la confiance en soi sont deux nécessités pour les générations à venir. Pour l’instant, il semble nécessaire que les femmes soient mieux accompagner pour pallier les lacunes avec lesquelles elles doivent composer dû à la culture sociétale. Cet accompagnement doit être économique, technique mais aussi émotionnel et personnel tant leurs motivations et leurs obstacles, bien que révélateur d’un fait collectif, sont spécifiques.
Clémence Legrand
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